L’un des plus gros scandales de la société athénienne de l’Antiquité fut le procès de la courtisane Phryné. Devenue riche, l’hétaïre est célèbre pour son procès pour impiété, acquittée après avoir montré ses seins devant le jury.
Épisode historique ou légendaire ?
Phryné, qui s’établit vers 372 avant notre ère, était une courtisane originaire de Thespies en Béotie.
Modèle pour Apelle et Praxitèle, elle se distingua par ses qualités physiques exceptionnelles, dont elle sut tirer parti tout au long de sa vie.
Comment distingue-t-on cette beauté “hors du commun” dans l’Athènes du IVe siècle av. J.-C. ?
Le seul détail relativement précis concernant ses charmes est son teint. Phryné [aka Crapaud] était un surnom dû à son teint jaunâtre [d’un jaune très pâle] (ôchrotêta). »
Sa pâleur était d’un mat tirant sur le jaune, semblable à une statue d’ivoire (divine). Sa beauté frappante était probablement due à ce teint pâle, légèrement ocré.
Galien mentionne une beauté sans fards et toute naturelle, n’ayant nullement besoin des artifices du maquillage.
Phryné honorait la divinité lors des Aphrodisia. Aphrodite est assez souvent louée pour ses seins comme ses fesses.
La poitrine avait dès lors quelque chose de magique et d’irrésistible et permettaient d’obtenir la victoire dans certaines versions du mythe.
Phryné honorait Aphrodite, souvent louée pour ses seins comme ses fesses, lors des fêtes dites d’Aphrodisia.
La poitrine avait quelque chose de magique et permettaient d’obtenir la victoire dans certaines versions du mythe. Cela jouait-il dans le subconscient des Grecs ?
Phryné fut accusée en 347 ou 338 par Euthias, un ancien amant, d’avoir organisé des rassemblements mixtes en l’honneur d’Isodaitès, un dieu étranger phrygien ou thrace, dans un lieu fréquenté par la jeunesse athénienne, le Lycée.
Défendue par Hypéride, elle remporta son procès dans des circonstances curieuses, grâce à des appels à la pitié exceptionnels, marquant ainsi des générations entières.
Phryné obtint la clémence des juges par un geste de supplication : tendant et touchant de la main droite la personne qu’elle voulait convaincre.
Ce geste, accompagné de pleurs, donnait l’impression qu’elle était déjà en deuil d’elle-même, suscitant ainsi la commisération.
Cependant, le Pseudo-Plutarque rapporte une autre version nettement plus connue.
Alors qu’elle allait être condamnée, Hypéride, défenseur et amant de Phryné, déchira son vêtement, exposant sa poitrine. Les juges, impressionnés par sa beauté, l’acquittèrent.
Hypéride innove avec une nouvelle stratégie oratoire, où la vue est plus forte que la parole, ce qui lui permet d’obtenir la grâce des juges.
En revanche, pour Alciphron raconte que la courtisane déchire, elle-même, sa tunique et montre sa poitrine dénudée aux juges.
Dans les Mémorables de Xénophon, Socrate se voit confronté au défi d’une beauté qui « parle d’elle-même », en évoquant la courtisane Théodote.
Le procès de Phryné illustre ainsi ce thème de l’argument rhétorique (topos) de manière significative.
L’Iliade avait déjà initié cette idée :
Par exemple, Hécube montre son sein à Hector. Cet acte représente un argument féminin et maternel pour convaincre son fils de ne pas affronter Achille. La dénudation du sein maternel parce qu’il fut nourricier aurait dû convaincre.
Aristophane, lui, en rira : dans Lysistrata, les femmes d’Athènes se préparent à une grève du sexe tout en attirant leurs maris par leur maquillage et leurs vêtements séduisants, qu’elles ôteront pour être nues et épilées, dans l’espoir de favoriser la paix.
Empédocle, alors qu’il définit le divin, « Peithô est liée aux deux sens » : la vue (les yeux) et le toucher (la main) « sont les moyens par lesquels la grand’route de la persuasion s’enfonce dans l’esprit des hommes »
La véritable beauté est celle des dieux, celle qui éblouit et dont on est obligé de se détourner57. Comme l’affirme Héra, il est « difficile de soutenir la vue de dieux qui apparaissent de face »58. Les regarder et les contempler sont, de ce fait, dangereux.
S’il est impossible d’en vérifier la véracité du geste de Phryné, imposé ou voulu de sa part, dévoiler un sein en arrachant un vêtement est un geste de supplication visant à convaincre par la pitié. Souvent accompagné de larmes ou de paroles poignantes.
On sait très peu de choses avec certitude sur la vie de Phryné, et une grande partie de sa biographie est peut être inventée.
Helen Morales, professeur d’études helléniques, écrit que séparer les faits de la fiction dans les récits de la vie de Phryné est « impossible ».