La grande armée
Appelés au service militaire, certains s’engagèrent volontairement, animés par un profond patriotisme, une admiration sans bornes pour Napoléon, la nécessité imposée par la misère ou encore l’attrait de l’aventure. Tous, sans exception, durent s’acclimater à des conditions de vie éprouvantes, marquées par la rudesse du quotidien et la rigueur implacable des campagnes militaires.
Organisation
L’armée napoléonienne, une formidable puissance comptant près de deux millions et demi de jeunes soldats, déferla sur l’Europe au début du XIXe siècle, semant à son passage à la fois crainte et admiration.
L’organisation militaire de l’Empire français reposait sur un système de conscription d’une ampleur sans précédent, héritage direct des tumultueuses guerres révolutionnaires. Ce vaste mécanisme mobilisait des foules de recrues, forgées dans l’idéal républicain et façonnées par la rigueur implacable de la discipline impériale. Sous la bannière de Napoléon, elles marchaient en masse, portant avec elles le destin de nations entières, au rythme des batailles qui redessinaient les frontières de l’Europe.
Au pas de l'oie
La loi Jourdan de 1798, qui prévoyait le service militaire obligatoire pour tous les Français célibataires âgés de 20 à 25 ans, permit de recruter des milliers de jeunes hommes chaque année.
Dans les “Mémoires” de Claude-François Méneval, un portrait d’un empereur proche de ses soldats se dessine : « Napoléon prenait connaissance des besoins du soldat, de l’équipement, de la qualité des rations, enfin de l’exécution des règlements militaires. »
Le proche collaborateur de l’empereur et mémorialiste du XIXe siècle fut un témoin privilégier de la grandeur et la chute de celui que les soldats nommaient affectueusement “le petit caporal”. Il a retranscrit, avec une certaine servilité, les mots de l’Empereur.
Servir et mourir
Les recrues étaient enrôlées pour un service de un à cinq ans en temps de paix, et pour la durée de la guerre en temps de conflit. Avant de partir au combat, elles recevaient une formation militaire dans un régiment de réserve.
Elles y apprenaient les rudiments de l’art de la guerre, recevaient leur uniforme et étaient affectées à un bataillon. Puis elles rejoignaient les campagnes militaires, où elles côtoyaient les vétérans. Cette expérience contribuait à forger l’esprit de corps de l’armée.
L’équipement du soldat était lourd et encombrant. Le havresac, qui pesait de 15 à 20 kilos, contenait les provisions pour plusieurs jours, les armes et les munitions. La cartouchière, fixée à la cuisse droite, permettait au soldat de transporter rapidement ses cartouches.
L’arme principale de l’infanterie était le fusil modèle 1777, corrigé en l’an IX. Ce fusil était lourd et peu précis, mais il était fiable et facile à utiliser. Leur quotidien était rythmé par l’instruction militaire et les tâches quotidiennes, souvent harassantes.
Les soldats devaient souvent partager une même couche de paille. Ils recevaient une solde, mais insuffisante pour couvrir toutes leurs dépenses. En temps de guerre, les soldats étaient capables de longues marches, habitués à vivre dans des camps improvisés.
Les marches des soldats napoléoniens étaient longues et difficiles. Elles pouvaient varier de 20 à 30 km par jour, et même atteindre 40 km en cas de besoin. Un exemple notable est la marche de l’armée du maréchal Davout avant la bataille d’Austerlitz en 1805.
L'aura d'un homme
La présence de Napoléon sur le champ de bataille avait également un effet positif sur le moral des troupes. Son adversaire, le maréchal britannique Wellington, a déclaré que “la présence du tricorne de Napoléon parmi les troupes ajoutait une force de 40 000 hommes”.
Cependant, le chirurgien Percy a décrit le spectacle terrifiant qui s’offrit à ses yeux au lendemain de la bataille d’Eylau en 1807. Il a vu des milliers de cadavres, des armes et des armures éparpillées sur le champ de bataille.
Dans ses mémoires, Jakob Walter a raconté la retraite de Moscou en 1812. Il a vu des centaines d’hommes tomber, morts de froid ou de faim. Les blessures au combat pouvaient être mortelles ou invalidantes. Et bon nombre de survivants ont été déclarés inaptes au combat.
Embourbés dans la campagne de Russie entre Bérézina et Vilna, le témoignage du capitaine Jean-Roch Coignet nous rappelle les affres subis par les soldats de Napoléon, que l’on nomme encore aujourd’hui les “grognards” de la Grande Armée.
Document historiographique précieux, il nous raconte la vie ordinaire d’hommes de tous âges et de toutes conditions, et notamment au climax de la Sixième Coalition qui amènera l’empereur de tous les Français à une inexorable chute, de Fontainebleau à Waterloo.
« Dans l’armée, démoralisée, on marchait comme des prisonniers. Plus de discipline, plus d’humanité les uns pour les autres […] Celui qui se serait baissé pour prêter secours à son semblable, n’aurait pu se relever […] Il faut avoir vu ces horreurs pour le croire. »
Citations tirées des Cahiers du capitaine Coignet (1799-1815).
Sources et références :
BnF/Gallica, Les cahiers du capitaine Coignet (1799-1815)
Photographies des vétérans via la Brown University Library Center
Ouvrages :
- Vivre la Grande Armée: Etre soldat au temps de Napoléon, de François Houdecek
- Soldats de Napoléon : L’épopée racontée par ceux qui l’ont faite, de Jérôme Croyet