« Quand les faits se sont transformés en légende, publiez la légende. »
Danseuse, séductrice et espionne, Mata Hari est fusillée le 15 octobre 1917.
De son vrai nom Margaretha Zelle, la Néerlandaise est reconnue coupable d’entente avec l’ennemi à l’issue procès sommaire. Méritait-elle vraiment ce sort ?
En résumé :
- Naissance et enfance : Margaretha Zelle, surnommée Mata Hari, naît en 1876, reconnue pour sa beauté et son audace.
- Mariage malheureux : À 18 ans, elle épouse le capitaine Rudolf MacLeod, mais découvre son infidélité, ses dettes et contracte la syphilis.
- Carrière de danseuse : Elle se réinvente en danseuse exotique à Paris, captivant l’élite européenne.
- Accusations d’espionnage : Pendant la Première Guerre mondiale, elle est accusée d’espionnage pour l’Allemagne et arrêtée sur la base de preuves douteuses.
- Exécution : Condamnée à mort en 1917, sa dernière apparition est marquée par sa dignité, mettant fin à sa vie tumultueuse.
Des débuts laborieux
Pour réussir comme courtisane à encore faire parler d’elle cent ans après les événements, il n’y a eu que l’impératrice byzantine Théodora. Les comparaisons délétères s’arrêtent là. Mata Hari, espionne clé de l’Allemagne ou affabulatrice hors pair ? Reprenons depuis le début.
Née en 1876 aux Pays-Bas, Margaretha se distinguera rapidement par un caractère audacieux ainsi qu’un talent pour les langues. Enfant gâtée, elle comprend rapidement que séduire les hommes est la clé pour obtenir ce qu’elle désire. En tant qu’adolescente précoce, elle séduit le directeur de son école à 16 ans, provoquant son renvoi, et part ensuite vivre à La Haye, où elle croise des officiers de retour des colonies.
À 18 ans, Margaretha Zelle épouse le capitaine Rudolf MacLeod, espérant une vie meilleure, mais découvre rapidement son infidélité et qu’il lui a transmis la syphilis. En 1897, le couple part pour les Indes orientales, mais la vie conjugale se dégrade. Leur fils meurt tragiquement, et, en 1902, ils rentrent aux Pays-Bas pour se séparer. Transformée par ces épreuves, Margaretha devient Mata Hari, danseuse exotique, envoûtant Paris dès 1905 avec ses performances téméraires et sensuelles. Peut-être de trop d’ailleurs.
Hameçonnée
Mata Hari, femme la plus envoûtante de Paris, est courtisée par aristocrates, diplomates et militaires, qui la comblent de luxes pour le plaisir de sa compagnie. Elle brille dans les théâtres européens pendant des années. En 1914, la guerre la surprend en Allemagne, sans emploi, mais soutenue par ses amants. Retournée aux Pays-Bas, elle rencontre en 1915 Karl Kroemer, consul allemand, qui lui offre 20 000 francs pour un travail d’espionnage en France. Elle accepte l’argent comme compensation pour ses biens confisqués, tout en affirmant n’avoir jamais exécuté la mission.
Margaretha, désormais suspectée dans chaque pays traversé, est interrogée par les Britanniques, puis surveillée par le contre-espionnage français à Paris. Sans le savoir, elle est suivie partout, ses communications épiées, mais aucune preuve ne la relie à l’espionnage. Georges Ladoux, chef du « 2e bureau », cherche désespérément à capturer un espion, alors que la France s’enlise dans la guerre, avec les batailles dévastatrices de Verdun et de la Somme en 1916. Amoureuse de Vadim Masloff, un officier russe, elle lui demande un sauf-conduit pour le rejoindre, ignorant qu’elle s’en remet au « Deuxième bureau » de Ladoux.
Escalade
L’un de ses amants, Hallaure organise un rendez-vous avec Ladoux, qui lui donne le laissez-passer pour Vittel, une station thermale où se trouve Vadim. Elle y découvre que son bien-aimé est gravement blessé, risquant la cécité. Malgré cela, elle accepte sa demande en mariage. De retour à Paris, elle consent à espionner pour la France, en échange d’un million de francs pour subvenir aux besoins de Vadim après leur union.
En mission pour Ladoux, elle part pour l’Espagne, mais, en Angleterre, elle est de nouveau arrêtée et interrogée. Terrifiée, elle révèle être une agente française au service de Ladoux, espérant être libérée.
Ladoux, feignant l’innocence, aurait ordonné : « Renvoyez Mata Hari en Espagne. » En réalité, il la trahissait, cherchant à prouver qu’elle travaillait pour l’Allemagne. Mata Hari, liée au colonel français Denvignes, amoureux d’elle, lui révèle naïvement qu’elle espionne pour Ladoux.
Denvignes lui demande d’obtenir des informations du major allemand Kalle. Lorsque Mata Hari transmet ces renseignements, Kalle devient méfiant. En décembre 1916, Ladoux intercepte des messages radios prouvant, selon lui, la culpabilité de Mata Hari. De retour à Paris, elle réclame sa récompense, mais Ladoux nie tout, allant jusqu’à désavouer Denvignes.
L’emprisonnement
À la fin janvier 1917, Mata Hari est de plus en plus anxieuse. Ladoux l’a trahie et ne l’a pas payée, tandis qu’elle s’inquiète de Vadim, sans nouvelles. Le 12 février, elle est arrêtée pour espionnage au profit de l’Allemagne. Son appartement est fouillé, et ses biens sont confisqués. Pierre Bouchardon, juge militaire implacable, s’occupe de son interrogatoire.
Mata Hari est ensuite placée à l’isolement à Saint-Lazare, où elle endure des conditions déplorables, sans accès à ses médicaments ni à ses effets personnels. Son avocat, Édouard Clunet, est peu expérimenté pour la défendre. Lorsqu’elle tombe malade avec des symptômes similaires à ceux de la tuberculose, Mata Hari se voit refuser des soins. Les mois passent, et elle réalise que ses revendications ne sont pas prises au sérieux, craignant réellement d’être jugée.
Après trois mois d’angoisse, elle envoie une lettre demandant clémence et souhaite voir son avocat, Clunet, ainsi que Vadim. Ses lettres, où Vadim l’invite à l’hôpital, sont confisquées. Le procès débute le 24 juillet, s’appuyant uniquement sur des télégrammes et messages radio, aujourd’hui considérés comme falsifiés, comme preuves contre elle. Les jurés, tous des militaires, évoquent des rumeurs selon lesquelles Mata Hari serait responsable de la mort de 50 000 soldats, sans aucune preuve pour étayer ces accusations.
Fin de scène
Les accusations contre Mata Hari restent vagues, sans mentionner de secrets précis transmis à l’ennemi. C’est son mode de vie « immoral » qui pèse lourdement dans le jugement : un policier atteste de ses mœurs dissolues et de ses nombreux amants influents. Ladoux témoigne de messages falsifiés, insinuant qu’elle est une espionne allemande, sans toutefois prouver qu’elle ait fourni des renseignements.
La défense de Clunet est inefficace, ses témoins attestant seulement de sa beauté et de son ignorance des affaires militaires. Henri de Marguerie, son ancien amant, dénonce le procès infondé, mais le procureur admettra que les preuves sont trop faibles.
Déclarée coupable, Mata Hari est condamnée à mort. Les demandes de grâce sont rejetées, et son exécution a lieu dans le secret, au matin du 15 octobre. Seuls Clunet, ses sœurs de charité, un médecin et le peloton d’exécution, principalement des jeunes zouaves, assistent à sa fin. Nonchalamment, elle se dirige vers le poteau, refusant d’y être attachée. Le sergent commandant le peloton s’exclame alors : « Mon Dieu ! Cette femme-là sait mourir. »
Pour en savoir plus
Mata-Hari : sa véritable histoire Broché, de Philippe Collas
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