Les photographies de Lewis Hine
Ces faciès émaciés et poussiéreux s'appellent les "Breaker boys", des enfants qui, dans le premier quart du XXe siècle, travaillaient dans les mines de charbon aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Ces nombreux clichés proviennent du photographe Lewis Hine (1874 – 1940) qui s’est longuement documenté sur le travail des enfants. Un sujet qu’il appréhendera avec consternation et gravité tant la mesure de son enquête va mettre en lumière une vérité que l’on préférait oublier.
Bien trop jeune, Lewis comprend les rigueurs de la vie. Son père est mort dans un accident en 1892, ce qui l’obligera à soutenir financièrement sa famille. Un écueil dans cette Amérique profonde.
N’ayant guère le choix, notre jeune Tom Sawyer bourlinguera avec les offres d’embauche à sa mesure. Son premier emploi était dans une usine de rembourrage de meubles : il travaillait 13 heures par jour, 6 jours par semaine et gagnait 4 dollars au bout de cette semaine. Une somme loin d’être rondelette qui rappelle les mésaventures décrites dans les premiers romans de Mark Twain.
En 1907, il devient le photographe attitré de la Russell Sage Foundation. Une première consécration avant que l’année suivante, sa jeune carrière l’amène au poste de photographe du Comité national du travail des enfants (NCLC), quittant définitivement son métier d’enseignant.
Le lecteur moderne ne peut comprendre l’étendue des risques encourus : admettre un photographe au sein de ces lieux, bien gardés la plupart du temps, demandait une certaine dose de courage. Car, dans les faits, le travail au quotidien de Lewis Hine était dangereux, notamment dans les usines. Il était ainsi fréquemment menacé par la sécurité et les contremaîtres.
Afin d’accéder aux usines, aux mines ou encore aux manufactures de textiles, Lewis a été alors contraint d’user de subterfuges plus ingénieux les uns que les autres. Il se déguisera notamment en inspecteur des incendies pour s’approcher au plus près du personnel, ou encore en vendeur de cartes postales, voire pour proposer des Bible.
Pendant et après la Première Guerre mondiale, Lewis Hine n’a pas relâché son engagement. Appareil photo en main, il a suivi le travail de secours de la Croix-Rouge en Europe, documentant des populations touchées par le conflit. Ses clichés capturent non seulement la destruction matérielle, mais aussi le quotidien de la guerre et l’ampleur des affres qui s’acharnent sur les civils. À travers ses photographies, Hine parvient à humaniser les statistiques, révélant les histoires individuelles dissimulées derrière les grands chiffres de la guerre.
Dans les années 1920 et 1930, alors que le monde entrait dans une nouvelle ère industrielle, Hine s’attelle à une nouvelle série de portraits, cette fois axée sur les travailleurs de l’industrie moderne. Ses images, marquées par un souci du détail et une lumière souvent crue, soulignent la dureté du travail dans des environnements de plus en plus mécanisés. Les visages fatigués, les mains usées, les corps courbés sous le poids de tâches répétitives, tout dans ces photographies rappelle l’inexorable pression exercée par le progrès sur l’être humain.
Sources bibliographiques et références :
- Informations collectées auprès de la bibliothèque du Congrès (division des photographies)
- La collection du National Child Labor Committee et de la Croix-Rouge américaine
- Photographies colorisées : Marina Amaral, Mads Madsen et Dominique Grosse.
- International Photography – hall of fame and museum (seulement en anglais)