La redécouverte du Machu Picchu par l’Occident
La redécouverte du Machu Picchu par l’Occident

La redécouverte du Machu Picchu par l’Occident

La redécouverte du Machu Picchu

En résumé :

  • Contexte de la découverte de Machu Picchu : En 1911, Hiram Bingham, un professeur de Yale, découvre Machu Picchu, une cité inca oubliée par l’Occident, bien que les populations locales en connaissaient déjà l’existence.

  • Méthodologie de Bingham : Pour localiser Machu Picchu, Bingham utilise une combinaison de témoignages locaux, des chroniques espagnoles et des cartes anciennes, faisant preuve d’une méthode rigoureuse et d’une grande soif de découverte.

  • Espiritu Pampa et la confusion avec Vilcabamba : Lors de son exploration d’Espiritu Pampa, Bingham confond ce site avec Vilcabamba, la véritable cité perdue des Incas, et déforme les preuves pour affirmer que Machu Picchu en est la version légendaire.

  • Soutien de la National Geographic : Les expéditions suivantes de Bingham sont soutenues par la National Geographic Society, qui finance ses recherches et permet une large exposition de Machu Picchu au monde.

  • L’importance de Machu Picchu : Si Espiritu Pampa est historiquement significatif, c’est bien Machu Picchu qui fait la renommée mondiale de Bingham, grâce à sa préservation exceptionnelle et à son rôle dans l’histoire inca.

  • Controverse sur les artefacts et l’héritage de Bingham : Bien que Bingham ne soit pas le premier à découvrir les sites incas, ses méthodes d’acquisition d’artefacts sont aujourd’hui critiquées, et le Pérou poursuit Yale pour récupérer certains objets pris par l’explorateur.

Si vous appréciez mon travail, n’hésitez pas à me suivre sur Patreon.

Le 24 juillet 1911, Hiram Bingham III, professeur d’histoire à l’Université de Yale, atteignait le sommet d’une crête montagneuse au Pérou, où il découvrait l’un des sites archéologiques les plus fascinants : Machu Picchu. Son livre Cradle of Gold: The Story of Hiram Bingham a depuis inspiré de nombreux artistes et écrivains, fascinés par cette découverte extraordinaire.

Cité inca longtemps oubliée par le monde occidental, Bingham n’est pourtant pas le premier à avoir fouillé ces ruines. En 1887, l’explorateur allemand Augusto Berns avait déjà exploré une zone proche de l’emplacement de Machu Picchu. Puis, en 1902, l’explorateur péruvien Agustín Lizárraga, après avoir visité le site, avait même inscrit son nom sur un mur du Temple des Trois Fenêtres. Les populations locales, quant à elles, connaissaient déjà l’existence de la cité et y vivaient, cultivant les terrasses agricoles laissées par les Incas.

Bien que d’autres explorateurs aient eu vent du site, c’est grâce aux expéditions de Bingham, soutenues par l’université de Yale et la National Geographic Society, que Machu Picchu a été présenté au monde entier. Ses efforts ont permis de cartographier, photographier et étudier en profondeur la cité inca, suscitant un intérêt international pour ce joyau archéologique. La publication, en 1913, d’un numéro spécial du National Geographic entièrement consacré à Machu Picchu a joué un rôle crucial dans la diffusion de sa renommée. Les photographies et récits de Bingham ont captivé l’imaginaire collectif, faisant de la cité un symbole de la grandeur de la civilisation inca.

Hiram dira avec un certain amusement en 1922 « Dans le même sens où Christophe Colomb est reconnu pour avoir découvert l’Amérique, il est juste de dire que j’ai découvert le Machu Picchu. » D’autres avaient visité le continent avant Colomb mais c’est bien lui qui l’a fait connaître au monde occidental.

Vue panoramique du Machu Picchu, 2006. Source : Wikimedia Commons
Le caractère supérieur du travail de la pierre, la présence de ces splendides édifices et de ce qui semblait être un nombre inhabituellement élevé d’habitations en pierre finement construites, m’ont amené à croire que le Machu Picchu pourrait s’avérer être la plus grande et la plus importante ruine découverte en Amérique du Sud depuis l’époque de la conquête espagnole.
Hiram Bingham
Journal d’Hiram Bingham – Article du National Geographic Society (avril de 1913)

 

À l’origine, Hiram Bingham se rendait au Pérou avec un objectif bien précis : découvrir les dernières capitales des Incas, Vitcos et Vilcabamba, deux cités légendaires censées avoir été les refuges des Incas après la chute de l’empire face aux conquistadors espagnols. La découverte fortuite de Machu Picchu, bien qu’inattendue, ne fut cependant pas le fruit du hasard. Bingham n’avait pas simplement espéré tomber sur ce site emblématique ; il avait une méthode bien définie. Avant tout, il chercha à recueillir sur place les témoignages des habitants locaux, interrogeant les Péruviens pour rassembler un maximum d’informations orales. De plus, il utilisa les noms de lieux mentionnés dans les chroniques des conquistadors espagnols et se basait également sur les cartes des anciens géographes péruviens. Cette approche méthodique et son désir insatiable de découvrir des vestiges du passé en faisaient un explorateur résolu, déterminé à dévoiler des secrets enfouis depuis des siècles.

Un autre nom joue également un rôle clé dans cette quête : Curtis Farabee, un explorateur de l’université de Harvard, qui, connaissant la passion de Bingham pour les mystères inca, lui indiqua qu’il était probable que des villes perdues se trouvaient encore cachées dans la région au-dessus de la rivière Urubamba. Ce conseil allait s’avérer crucial dans la suite de l’expéditions de Bingham.

L’été 1911 allait marquer un tournant décisif dans l’histoire de l’archéologie. En quittant Cusco, Bingham s’engage dans la Vallée Sacrée, une région mystérieuse et riche en histoire, mais il ne se doute pas encore de l’aventure qui l’attend. Peu après, un événement tragique survient : l’un de ses guides péruviens se noie dans les eaux tumultueuses de la rivière Urubamba. Cet incident, qui semble être un mauvais présage, ne ralentit pourtant pas la détermination de Bingham. Quelques jours plus tard, le 24 juillet 1911, il atteint enfin l’objectif de son voyage : Machu Picchu, un site perdu dans les montagnes, qui allait marquer pour l’Occident la redécouverte d’un trésor inca.

Hiram Bingham en 1911
Trois jours plus tard, j’ai atteint le Machu Picchu en compagnie du Dr Eaton, notre ostéologue, et de M. Erdis, qui, en tant qu’ingénieur archéologue, devait être chargé du travail général de nettoyage et d’excavation des ruines.
Hiram Bingham
Journal d’Hiram Bingham – Article du National Geographic Society (avril de 1913)

 

Après avoir consulté un deuxième groupe d’informateurs locaux, Hiram Bingham se dirige vers Espiritu Pampa, un lieu éloigné en direction de l’Amazonie. Ce site, aujourd’hui appelé ainsi, est l’emplacement de l’ancienne Vilcabamba, la véritable cité perdue des Incas. C’est dans ce lieu qu’a résidé le dernier empereur inca, Tupac Amaru, avant d’être capturé par les Espagnols en 1572. Si Espiritu Pampa possède une importance historique indéniable, c’est pourtant le Machu Picchu qui propulsera Hiram Bingham au rang de célébrité.

À l’époque de la visite de Bingham, Espiritu Pampa n’était que l’ombre d’une civilisation jadis brillante. Complètement recouvert par la végétation, les bâtiments en pierre, que ses guides indigènes lui montrèrent, étaient d’un intérêt modéré, surtout si l’on compare à la magnificence de Machu Picchu. Ce dernier, de par son état de conservation et sa grandeur, surpassait largement Espiritu Pampa. Après cette expédition, Bingham ne reviendra jamais sur ce site. Plus encore, dans son livre, il néglige les indices géographiques qui l’avaient conduit à Espiritu Pampa et manipule les éléments de preuve pour laisser entendre que Machu Picchu serait la véritable Vilcabamba. Cette distorsion des faits s’inscrit dans une volonté de l’explorateur de valoriser le site qu’il venait de redécouvrir. Cependant, Vilcabamba, fondée par les Incas comme un refuge stratégique après leur fuite face aux conquistadors, n’était pas un lieu aussi impressionnant ni aussi bien préservé que Machu Picchu.

Hiram Bingham ne fut pas seul dans cette entreprise. Si ses guides indigènes et son intuition l’ont mené sur la voie de la découverte, c’est aussi son appareil photo qui s’avéra être un outil fondamental pour immortaliser ses découvertes. Plus encore, lors de ses deux autres expéditions en 1912 et 1915-1916, la National Geographic Society apporta un soutien décisif à son travail. Lors de la deuxième expéditions, Bingham procéda à des travaux de défrichage et d’excavation dans le noyau architectural du site. Il se lança également dans l’étude des tombes rupestres situées sur les pentes orientales du Machu Picchu. Ces expéditions, soutenues par la National Geographic, ont marqué un tournant dans l’exposition de Machu Picchu à l’Occident, contribuant ainsi à la reconnaissance mondiale du site et à son statut de trésor inca.

Hiram Bingham, Bibliothèque du Congrès, Division des estampes et des photographies
Machu Picchu est essentiellement une ville de refuge. Il est perché au sommet d’une montagne dans le coin le plus inaccessible de la section la plus inaccessible de la rivière Urubamba. Pour autant que je sache, il n’y a aucune partie des Andes qui a été mieux défendue par la nature.
Hiram Bingham
Journal d’Hiram Bingham – Article du National Geographic Society (avril de 1913)

 

Le Pérou poursuit l’université de Yale en justice pour récupérer certains artefacts que Hiram Bingham avait rapportés lors de ses expéditions. Ces objets, précieux témoins du passé inca, sont au cœur d’un différend complexe qui oppose les autorités péruviennes à l’université, dans une quête pour redonner au Pérou son héritage culturel.

Mais pourquoi avoir niché un tel édifice au sommet des nuages ? La réponse réside dans la volonté de l’empereur inca Pachacutec, qui, dans le cadre de l’expansion de son empire, fit de Machu Picchu une forteresse stratégique surplombant un domaine étendu. Toutefois, ce n’était pas uniquement un site militaire. Avant tout, Machu Picchu était un lieu spirituel, un sanctuaire sacré dans lequel les Incas vénéraient leurs dieux et s’adonnaient à des pratiques religieuses profondément enracinées dans leur culture.

Né à Honolulu, Hiram Bingham nourrissait dès son plus jeune âge une soif d’aventure et de découverte. Bien qu’il fût né dans un paradis insulaire, il rêvait de ce qui se trouvait au-delà des horizons de son île. Très jeune, il se plonge dans les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, ainsi que dans les récits fascinants de Rudyard Kipling. Ces histoires d’aventure l’émerveillent et l’éveillent à un monde plus vaste, lui qui se sentait confiné dans un archipel aux contours limités. Lors du retour aux États-Unis de sa famille en 1891, il saisit l’opportunité de se consacrer à sa passion grandissante : l’histoire.

Après avoir fréquenté l’Université de Yale, Hiram obtient un doctorat en histoire, se spécialisant dans l’étude de l’Amérique espagnole. Mais d’où lui venait cette fascination pour les civilisations disparues d’Amérique du Sud ? Son éducation dans une famille protestante et l’isolement de l’île d’Hawaii semblent avoir nourri ce désir de connaissance. Mais c’est aussi à l’époque du président Théodore Roosevelt, qui exaltait le panaméricanisme et la recherche des vestiges du continent, que cette passion prit véritablement forme. Grâce à sa femme, issue d’une famille aisée, Hiram eut les moyens de partir à la découverte des trésors enfouis de l’Amérique du Sud, un rêve qu’il put enfin réaliser sans contraintes financières.

Si Bingham n’a pas été le premier à découvrir ces sites, et si ses méthodes d’acquisition des artefacts – bien qu’en phase avec une époque où la frontière entre la bonne volonté et le mercantilisme était souvent floue – sont aujourd’hui critiquées, il n’en demeure pas moins une figure marquante. À bien des égards, il incarne une version du Christophe Colomb moderne, avec son aspect entreprenant et ses zones d’ombre. Son nom restera lié à la redécouverte de Machu Picchu, mais aussi à l’ambiguïté de ses actions face à l’héritage culturel qu’il a contribué à exhumé.

Machu Picchu à l'aube, 2006. Source : Wikimedia Commons
Les artisans de Machu Picchu avaient non seulement de l’habileté, mais aussi de l’originalité et de l’ingéniosité. Leur poterie est variée dans ses formes et attrayante dans son ornementation. Ils savaient comment planifier de grands travaux d’architecture et d’ingénierie et les mener à bien.
Hiram Bingham
Journal d’Hiram Bingham – Article du National Geographic Society (avril de 1913)

Photographies 

Archives – National Geographic et Wikipedia Commons

Pour en savoir plus

En savoir plus avec le National Geographic

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *