[Archéologie] Les tablettes de malédiction
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[Archéologie] Les tablettes de malédiction

Les tablettes de malédiction

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Découverte récente

Les fouilles de l’ancien hôpital Porte Madeleine à Orléans ont révélé une nécropole exceptionnelle avec 21 tablettes de malédiction du 1ᵉʳ siècle après J.-C., en plomb et bien conservées, dont certaines en langue gauloise.

Les tablettes de malédiction, ou défixions, offrent une fenêtre fascinante sur les pratiques rituelles et les croyances du monde gréco-romain. Ces petites plaques de plomb, gravées d’inscriptions souvent empreintes de colère ou de supplication, étaient utilisées pour solliciter l’aide divine afin de maudire ou d’influencer une personne.

Les tablettes de défixion présentent des écritures qui ne sont que parcellaires. photo Ville d'Orléans.

Un Exemple du British Museum


L’une des défixions les plus célèbres provient du British Museum. Elle porte cette inscription :
« Je maudis Tretia Maria, sa vie, son esprit, sa mémoire, son foie et ses poumons, ainsi que ses mots, ses pensées et sa mémoire… »
Cette formule, à la fois inquiétante et détaillée, illustre bien l’intensité émotionnelle qui accompagne ces rituels.

Près de 2000 tablettes de malédiction ont été découvertes à travers le monde gréco-romain, de la Méditerranée à la Gaule. Leur utilisation s’étend sur plus d’un millénaire, du VIe siècle av. J.-C. au VIe siècle apr. J.-C. Généralement enfouies dans des tombes, des sanctuaires ou même des puits, elles visaient à établir un lien direct avec les divinités souterraines ou chthoniennes, perçues comme ayant le pouvoir d’exaucer ces requêtes.

Photographie : British Museum

Entre Vœu et Supplication


Contrairement aux offrandes votives, ces tablettes ne sont pas des dons faits aux dieux en échange d’un service. Les inscriptions laissent penser qu’elles cherchent plutôt à « céder » des éléments de la vie de la personne maudite aux divinités, comme son esprit, sa mémoire ou sa santé.

Cependant, ces intentions rituelles ne relèvent pas uniquement d’un désir de nuire. Souvent, les malédictions visaient à réparer un tort perçu ou à restaurer un équilibre. Par exemple, une tablette pouvait être utilisée pour punir un voleur ou résoudre une querelle amoureuse en invoquant une justice divine.

La réalisation d’une défixion suivait un protocole précis :

  • La gravure d’un texte détaillant la malédiction, incluant parfois des noms, des descriptions physiques ou des listes de parties du corps.

  • Le dépôt de la tablette dans un lieu sacré ou symbolique, comme une tombe ou un temple.

  • La prononciation d’une incantation pour accompagner l’acte.

Photographie : British Museum

Les Enjeux de l’Interprétation

Si ces artefacts sont bien documentés, leur interprétation reste sujette à débat. Certains chercheurs, comme Stuart McKie, professeur à l’Université de Manchester, estiment que ces rituels impliquent une soumission et une déférence envers les divinités. Plutôt que de simplement « vouer » les personnes maudites aux dieux, il s’agirait d’une tentative de négociation divine pour modifier le destin.

Les tablettes de malédiction nous rappellent que l’Antiquité, loin de se limiter à des monuments et des héros, était aussi peuplée d’individus ordinaires cherchant à influencer leur destin à travers des pratiques mystiques. Ces défixions, bien qu’empreintes de superstition, témoignent d’un profond respect pour les forces invisibles perçues comme omniprésentes.

Gravure d'illustration, British Museum

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