En résumé :
Le contexte : Le 13 janvier 532, une révolte éclate à Constantinople, dans l’hippodrome, lieu central de la vie politique et sociale byzantine, où les factions des Bleus et des Verts cristallisaient les tensions sociales et politiques.
L’origine de la sédition : L’exécution ratée de deux membres des factions, ainsi que l’indifférence de Justinien aux appels à la clémence, attisent la colère populaire, amplifiée par des frustrations sociales et économiques.
Le soulèvement : La foule, scandant « Nika » (Victoire), incendie l’hippodrome et une grande partie de la ville, causant des destructions massives, notamment à Sainte-Sophie, et pousse Justinien au bord de l’abdication.
Le rôle de Théodora : L’impératrice convainc Justinien de rester et d’affronter la crise, permettant à ses généraux Bélisaire et Mundus de réprimer violemment la rébellion dans un bain de sang.
Le bilan : Environ 30 000 morts, selon les chroniques de l’époque. Cet épisode marque un tournant dans le règne de Justinien et illustre les tensions politiques au sein de l’Empire romain d’Orient.

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Nous sommes le 13 janvier 532.
Dans l’hippodrome de Constantinople, lieu central de la vie sociale et politique de l’Empire byzantin, une foule immense, agitée, scande frénétiquement : « Nika ! Nika ! » (Victoire !). Ce cri de ralliement marque le point culminant d’une révolte qui allait ébranler le règne de l’empereur Justinien et faillir coûter sa vie.
Un empereur face à une émeute colossale.
Justinien, souverain absolu de l’Empire romain d’Orient, échappe de justesse à un soulèvement populaire sans précédent. Mais pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là, il faut remonter le fil des événements et s’intéresser à un lieu emblématique : l’hippodrome, cœur battant de la capitale et véritable théâtre des passions de l’époque.
L’hippodrome : bien plus qu’une arène.
Au VIe siècle, l’hippodrome n’était pas seulement un lieu de divertissement. C’était une arène où se croisaient jeux, politique et religion. Les courses de chars, comparables au football moderne dans leur popularité, attiraient des foules enfiévrées. Les factions des Bleus (Veneta) et des Verts (Prasina), bien plus que de simples clubs de supporters, incarnaient des identités sociales et politiques.
Justinien lui-même était un fervent partisan des Bleus, à qui il apportait souvent son soutien financier et moral. En face de la loge impériale, les Bleus faisaient entendre leurs revendications, mais aussi leurs colères, dans une interaction directe avec le pouvoir.
Le rôle politique des factions.
Les factions, loin de se limiter aux courses, avaient aussi pris en charge d’autres formes de spectacles : pantomimes, combats de bêtes, voire des cérémonies religieuses. Au fil du temps, leur influence s’était accrue, devenant des acteurs sociaux et politiques capables d’exercer une pression significative sur l’empereur.
Cependant, les tensions s’amplifièrent à mesure que Justinien cherchait à réduire certaines dépenses spectaculaires. Les réformes impériales et les suppressions de spectacles, comme les venationes (combats contre des animaux sauvages), alimentèrent des frustrations populaires qui allaient éclater avec fracas.
L’étincelle de la révolte.
La sédition de Nika ne fut pas un événement spontané, mais le résultat d’une série d’incidents. Quelques jours avant les événements du 13 janvier, plusieurs membres des factions Bleus et Verts furent arrêtés pour avoir provoqué des troubles. Ces condamnés, promis à la pendaison, furent victimes d’une exécution ratée : deux d’entre eux survécurent miraculeusement.
Le peuple, rassemblé dans l’hippodrome, implora la clémence de Justinien lors des courses, scandant des chants à l’unisson jusqu’à la vingt-deuxième épreuve. Mais l’empereur resta silencieux. Le mécontentement atteignit un nouveau sommet lorsque la foule cria : « Vive les miséricordieux Bleus et Verts ! », exigeant la libération immédiate des prisonniers.
Le 13 janvier : Constantinople en flammes.
Le 13 janvier 532, la tension éclate en un soulèvement généralisé. Les émeutiers prennent d’assaut l’hippodrome et exigent que le préfet de la ville relâche les prisonniers. Face à l’ampleur des violences, Justinien ordonne d’organiser de nouvelles courses pour calmer les esprits, mais l’effet est désastreux : encouragés, les insurgés incendient l’hippodrome.
Le chaos s’étend rapidement. Des bâtiments publics et religieux, dont la basilique Sainte-Sophie, subissent de lourds dommages. Des figures comme Probus sont acclamées comme empereurs par les insurgés. Justinien, réfugié dans sa loge impériale, semble prêt à fuir.
Théodora et la répression.
C’est alors que l’impératrice Théodora entre en scène. Selon les chroniques, elle aurait galvanisé Justinien avec un discours mémorable, le dissuadant de s’enfuir. Aidé par ses généraux, Bélisaire et Mundus, Justinien organise une répression brutale. Les forces impériales envahissent l’hippodrome et massacrent les insurgés.
Un bilan tragique et des chroniques précieuses.
Les chiffres avancés par les sources varient, mais on estime qu’environ 30 000 personnes périrent lors de la répression. Ce soulèvement, relaté dans les chroniques de Jean Malalas, Théophane le Confesseur et Procope de Césarée, reste une des crises les plus marquantes du règne de Justinien.
NB : Le terme « byzantin », bien que parfois contesté, est utilisé ici par commodité pour désigner l’Empire romain d’Orient.
Photographies
Wikipédia. Domaine public. CC BY-SA 3.0
Pour en savoir plus
Pourquoi Byzance ?: Un empire de onze sià cles (Folio histoire)
Kaplan, Michel
Justinien, le rêve impérial (Collection « Les Grands Conquérants ») – Guy Gauthier