Réminiscence moderne
Dans l’Empire romain, le concept du repas rapide en extérieur était bien ancré, notamment grâce aux thermopolia (au singulier : thermopolium), véritables précurseurs des fast-foods modernes. Ces espaces de restauration rapide offraient aux passants la possibilité de consommer rapidement des plats chauds et des boissons, directement dans la rue. À Pompéi, où la vie urbaine battait son plein, près de quatre-vingts thermopolia ont été retrouvés, souvent placés aux intersections animées pour attirer les clients de passage.
Les thermopolia se distinguaient par leur comptoir en forme de L, aménagé pour abriter de grandes jarres appelées dolia. Ces dolia contenaient les mets chauds et les boissons servies aux clients, qui consommaient debout dans une atmosphère conviviale mais rapide. Le thermopolium de Vetitius Placidus, situé à Pompéi, offre un exemple fascinant de cette activité. On y a découvert une réserve de 683 sesterces, représentant environ trois kilos de monnaie, attestant du succès économique de l’établissement.
Décorations et Offrandes aux Dieux
À l’intérieur du thermopolium de Vetitius Placidus, derrière le comptoir, un petit temple (ou laraire) est peint, représentant les dieux protecteurs de l’établissement. Cet espace de dévotion est décoré de manière raffinée, avec des colonnes de stuc corinthiennes, un fronton triangulaire et des figures divines : Mercure, Dionysos-Bacchus et deux serpents symboliques, les agathodaimons. Les propriétaires faisaient vraisemblablement des offrandes pour assurer la prospérité de leur commerce.
Certains thermopolia de Pompéi témoignent d’un goût prononcé pour le détail artistique. Par exemple, dans un autre établissement, le comptoir est orné d’un magnifique placage en marbre coloré, tandis que des fresques montrent des scènes de sacrifice et des serpents protecteurs. Une autre découverte, située dans la région V de Pompéi, présente des fresques aux thèmes variés, comme une néréide chevauchant un hippocampe ou des animaux prêts à être consommés, peints sur le comptoir.
Publicité et Natures Mortes : Une Tradition Durable
Les thermopolia utilisaient souvent des illustrations d’aliments, de fruits et de légumes pour attirer les clients et pour annoncer leur menu. Cette tradition s’étend jusqu’à Ostie, où une fresque peinte sur la Via di Diana expose des fruits, des gobelets et même un navet, des éléments représentés dans un style proche de la nature morte. Cette technique publicitaire évoque aussi le décor des triclinia (salles à manger) romains, où les natures mortes illustraient souvent des scènes de repas idéalisées. À la villa de Poppée à Oplontis ou encore dans la maison des Cerfs à Herculanum, des représentations de grenades, figues, oiseaux et même langoustes ornent les murs des pièces.
Dans l’un des triclinia de la maison du Cryptoportique de Pompéi, de petits tableaux sont peints pour imiter des volets. Ces miniatures présentent des grappes de raisins, des légumes, et même un coq avec des fruits, invitant les visiteurs à un véritable festin visuel.
L’art de la nature morte, utilisé par les thermopolia pour attirer l’attention des passants, est resté en vogue bien au-delà de l’Antiquité romaine. Des mosaïques du IIIe siècle, retrouvées à Saint-Romain-en-Gal, montrent encore des représentations de champignons, témoignant de la pérennité de ces décors. Il semble donc que, durant tout l’empire, ces lieux aient marqué l’art public et la culture de la restauration.
Les thermopolia offrent un aperçu fascinant de la vie quotidienne romaine, combinant commerce, art et religion. En alliant restauration rapide et décor sacré, ces espaces avaient pour ambition de nourrir et de protéger, en intégrant le quotidien et le spirituel dans une expérience culinaire unique, véritable avant-goût de la culture urbaine de restauration moderne.
Informations supplémentaires :
VisitPompéi, CNRS, NationalGeographic
Photographies : Images Wikipédia CC BY-SA 3.0