Les premières cités de l’humanité ont-elles vu le jour en Europe ?
Aux origines des premières villes
Et si les premières villes de l’humanité étaient en Europe ?
Une nouvelle étude révèle que les premiers foyers humains étaient situés non pas en Mésopotamie, mais dans l’actuelle Ukraine.
Il y a 6 000 ans, en Europe, les hommes ont construit des colonies planifiées.
Pendant des décennies, les archéologues croyaient que les premières villes étaient apparues en Mésopotamie, vers 3800 av. J.-C., où des milliers de personnes vivaient, commerçaient et organisaient une administration.
Aujourd’hui, cette certitude est remise en question.
Des archéologues étudient des sites en Ukraine, datant de 4000 av. J.-C., couvrant jusqu’à 320 hectares et pouvant abriter plus de 10 000 personnes.

Résumé de l’article
Il y a 6000 ans, bien avant que les grandes civilisations mésopotamiennes ne s’érigent en berceau de l’humanité, l’actuelle Ukraine abritait des cités planifiées impressionnantes. Ces mégasites, des agglomérations organisées avec précision, couvraient des centaines d’hectares, défiant tout ce que l’on croyait savoir sur l’urbanisation précoce en Europe. Aujourd’hui, ces vestiges sont invisibles à l’œil nu, enfouis sous des champs de maïs et de tournesols, leur existence révélée seulement par des analyses géomagnétiques sophistiquées.
Les mégasites de Tripillja, avec leurs maisons en bois alignées en cercles concentriques, sont les premières villes planifiées de l’humanité. Contrairement aux ruelles chaotiques des anciennes villes, ces cités semblaient être construites selon un schéma soigneusement organisé. Et pourtant, elles ne possédaient ni écriture ni bureaucratie sophistiquée, éléments jugés essentiels à la gestion des grandes populations. Leur société a prospéré pendant 500 ans avant de disparaître mystérieusement.
Ces mégasites, bien que méconnus, remettent en question les récits traditionnels de l’histoire. Pourquoi ces populations, après avoir bâti les premières grandes villes, sont-elles revenues à des communautés plus petites ? Leurs cités, plus grandes que tout ce que l’Europe connaissait alors, révèlent un ordre social complexe, mais dont les motivations et les croyances restent en grande partie énigmatiques.
Les premières découvertes
Dans les années 1960, le topographe Konstantin Shishkin a découvert une ombre sur des photos aériennes de l’Ukraine, révélant des vestiges archéologiques.
Ces caractéristiques, disposées en cercles concentriques, indiquent une structure humaine.
Les photos aériennes fournissent des indications qu’il faut vérifier au sol, mais il est impossible de fouiller intégralement un site de plusieurs centaines d’hectares. En 1971, des scientifiques ukrainiens ont donc utilisé le géomagnétisme, une méthode mesurant les variations du champ magnétique terrestre causées par des structures cachées. Bien que la méthode nécessite un travail manuel, les appareils modernes permettent des mesures continues, rendant le processus beaucoup plus rapide qu’il y a 50 ans, où un seul magnétomètre était utilisé. Grâce à cette technique, ils ont pu déterminer rapidement la taille d’une agglomération, alors qu’une fouille traditionnelle aurait pris plus de 100 ans.
Jusqu’à présent, nos connaissances sur cette région portaient sur la céramique, en particulier des récipients en argile ornés de motifs géométriques, appelés céramique de Cucuteni Tripillja, nommée en 1885 d’après les sites de Cucuteni en Roumanie et Tripillja en Ukraine.
Ces « megasites » ont suscité un certain intérêt en Union soviétique, mais leurs découvertes étaient souvent ignorées.
Les recherches révélaient des agglomérations organisées en cercles concentriques datant de l’Âge du cuivre, ce qui contredisait les croyances sur cette époque.
En comparant les résultats géomagnétiques des mégasites à un plan de ville moderne, on observe que les cités, vues du ciel, ont des formes rondes ou ovales, avec des maisons en anneaux concentriques, des couloirs larges, et une grande place au centre, apparemment vide.
Théorie à l'épreuve du temps ?
Cette organisation révèle une urbanisation planifiée, avec des parcelles délimitées et construites progressivement.
Ces sites sont les premières villes planifiées de l’humanité, allant de 30 hectares à 3,2 kilomètres carrés, soit plus que la principauté de Monaco.
Les maisons, en bois et torchis, étaient semblables aux colombages actuels, mesurant environ 5 mètres sur 14. Leur nombre d’étages et la forme des pignons restent débattus.
Elles ont été ensuite incendiées de manière contrôlée par leurs habitants, sans que l’on sache pourquoi.
Il est possible qu’un lien existe avec le culte des morts, car aucune tombe datant de l’époque des mégasites n’a été découverte.
L’absence de tombes individuelles n’exclut pas un culte funéraire, des ossements isolés ayant été trouvés près des maisons.
Une série de bâtiments se distinguent nettement des habitations, ne serait-ce que par leur taille : l’une de ces soi-disant mégastructures à Nebeliwka mesurait 20 mètres de large et 60 mètres de long, le plus grand bâtiment connu à ce jour en Europe à cette époque.
Pourquoi, il y a 6 000 ans, les hommes ont-ils construit en Ukraine des cités planifiées plus grandes que tout ce qui existait en Europe, plutôt que de rester dans de petites communautés ?
Il a fallu près de 3 000 ans pour que des colonies de taille comparable réapparaissent.

Des pièces manquantes
Vers 3600 avant J.-C., les mégasites disparaissent à nouveau. Ici aussi, la grande question est de savoir pourquoi.
Il n’y a aucun indice de conflit ou de violence, pas d’invasion, pas d’agresseur extérieur. Il est donc logique de supposer que la cause était domestique.
Contrairement à la Mésopotamie, la bureaucratisation ne semble pas s’être développée, et l’écriture n’y a pas été inventée.
Chaque colonie a duré environ 200 ans, et les mégasites se sont étendus sur 500 ans. Néanmoins la nature exacte de leur ordre social reste inconnue.
Toutes les informations de ce fil proviennent de Johannes Müller, archéologue à l’université de Kiel.
Sources et références :
